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Réveil Communiste

Cent ans de socialisme réel, essai de bilan critique (2/3) : l'oubli de la révolution

15 Août 2019 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #GQ, #Qu'est-ce que la "gauche", #Front historique, #Théorie immédiate, #Russie

Barcelone, 1936

Une action politique révolutionnaire ne devrait pas évoquer la révolution de manière verbale et incantatoire, comme un mythe ou un spectre, mais elle ne devrait pas non plus oublier qu'elle, la révolution, rupture du temps et du droit, n’est pas à un horizon lointain et indistinct, qu'elle doit toujours être pensée comme proche, sinon à la portée de la main, dans l’échelle de temps des projets humains les plus matures, environ dix à vingt ans. Qu’elle ne se produise pas effectivement dans ces délais, c’est le risque à prendre et à recommencer. Il faut agir dans ce sens avec cette logique, et si les dirigeants révolutionnaires auto-proclamés ont échoué à procurer des progrès dans le délai imparti à leur génération, il leur faut passer la main à d’autres.

Le parti s'organise en vue d’une tâche révolutionnaire concrète à échéance raisonnable, non dans un avenir lointain et indéterminé, et cette tâche sera introduite dans le débat public de la manière la plus simple comme une « réforme » tout à fait raisonnable en vue d’améliorer l’existence, une proposition qui avance avec des pas de colombe et qui pour cela doit à la fois paraitre raisonnable et légitime aux masses, et inacceptable à la bourgeoisie, et/ou surtout impossible matériellement à satisfaire. Ce qui implique de repolitiser les masses autour de buts politiques concrets et quantifiables.

Dans la conjoncture actuelle, la remise en cause de l'Union Européenne et de l'OTAN servent ce but dans la mesure où ces institutions sont des obstacles visibles à la justice sociale et à la paix, c'est à dire au bien commun de tous.

Mais pour que cette réforme idéale et impossible à satisfaire, à cause de l'opposition de la bourgeoisie, qui apparaît dans ces conditions scandaleuse - et dans ces conditions seulement -, pour que cette réforme qui porte sur la base même de la structure économique et sociale puisse même être proposée aujourd'hui, il faut que l’impression d’échec historique qui entoure les expériences du socialisme réel soit levée par une active propagande qui ait récusé d’avance les divers bilans du socialisme dressés par ses ennemis. Qu’on se le dise ! 95% de ce qu’on raconte à ce sujet à l’école, à l’université, à la télévision et sur les réseaux sociaux est faux ou mensonger, ou tout au moins non établi scientifiquement. Tout l’inverse des crimes fascistes, non seulement établis avec certitude, mais carrément revendiqués par leurs auteurs ! Que ces erreurs et ces mensonges soient propagés souvent de bonne foi n’y change rien. Il n’y a d’ailleurs aucune raison pour qu’il en soit autrement, les idées dominantes étant les idées des classes dominantes.

Quand le « communisme » pour parler comme tout le monde, triomphera à nouveau quelque part, il fera scandale de toute manière, fût-il composé d’une armée de saints d’une parfaite douceur et d’une chasteté irréprochable, et vaille que vaille il prendra sur bien des points ces mêmes mesures qui ont tant scandalisé dans le passé, avec les correctifs de l’expérience et de l’ambiance historique (s’il triomphe dans un contexte autre que celui de la grande boucherie de 1914, il saura ne pas commettre d’excès sanglants) mais ce qui ne changera pas, c’est qu’il luttera contre l’expression politique de la bourgeoisie, avec autant de détermination que celle-ci a lutté contre lui depuis plus d’un siècle, et que les prisons (il y en aura) seront peuplées d’un certain nombre de citoyens dont le seul crime aura été de travailler à continuer à être plus riches que les autres.

L’interdiction des partis bourgeois n’ést à éviter que pour des raisons pratiques, un ennemi légal étant le plus souvent plus facile à combattre qu’un ennemi clandestin. Et parce que la présence menaçante d’un ennemi ouvert et déclaré limite la tendance à la sclérose des cadres. Et non pour des raisons morales, de ces raisons qui ont complètement envahi la conscience trouble et velléitaire des postcommunistes. Rosa Luxemburg disait que l'essence de la liberté, c'était le droit de ne pas penser comme elle. Elle se trompait : l'essence de la liberté c'était sa propre pensée juste et ceux qui ne pensaient pas comme elle l'ont tuée.

La dictature du prolétariat doit être une dictature de classe et non d’appareil. Même si en temps de guerre, elle recourt aussi, et comme les autres pouvoirs qui ont existé dans le passé,  à la dictature pure et simple. J’ai beaucoup de réserve quant au rôle historique du président chilien Salvador Allende, hommage étant rendu à son sens du sacrifice et à sa dignité. Sa stratégie aurait dû prévenir le coup d’État militaire du 11 septembre 1973. Quitte à faire échouer avant l'heure "l'Union de la Gauche" européenne! Il aurait dû en organiser un préventivement lui-même ! il y aurait moins de rues Salvador Allende dans la banlieue parisienne, mais la révolution aurait peut être triomphé en Amérique Latine, qui sait ?

Quoiqu’il en soit, l'expérience chilienne a au moins eu la vertu de lever pour toujours le masque de la soi-disant démocratie libérale.L'alternance permise, ce n'est pas entre capitalisme et socialisme qu'elle a lieu, mais entre libéralisme et dictature fasciste. Qu'on puisse faire entendre au peuple, sans lui dire explicitement : "Tenez vous à votre place car si vous voulez le socialisme, vous aurez le fascisme à la place".

En conclusions provisoire de ces quelques réflexions, j’invite le lecteur à parcourir patiemment les Cahiers de Prisons de Gramsci, 2000 pages déconcertantes au premier abord, mais pleines d’une détermination révolutionnaire inentamée, et de relire sans préjugés les quelques classiques de Joseph Staline encore disponibles sur les quais de la Seine, comme exemples impressionnants « d’une idée devenue force matérielle en se diffusant dans les masses ». Car les idées de Marx, Engels et Lénine n'y ont été véritablement diffusées sans altération significative que dans la version vulgarisée par le dirigeant soviétique.

Toutes choses égales par ailleurs, ces textes posent les problèmes de la pratique révolutionnaire réelle, celle qui commence le matin suivant le "grand soir". Il nous en faudrait écrire les équivalents, au XXIème siècle.

Petite notation de fin : à ceux qui seraient choqués de la référence à Staline, je rappelle que sans Staline (et l’ensemble des réalités signifiées par ce personnage historique), Hitler l’emportait.  Mais ces vertus outragées, je crois qu’elles s’en seraient accommodées, à moins d’avoir l’infortune d’être comptées dans le peuple juif. Était-ce si grave au fond ? Imaginez un peu que LE COMMUNISME l’ait emporté !

 

GQ, 28 février 2014, relu janvier 2018

 

PS : "The revolution will not be televised". La révolution n'est pas une image (fumée, foule, drapeaux) mais une rupture d'ordre de droit qui s'attaque au principe sacro-saint de la propriété. Ce qui n'ira sans doute pas sans fumée, foule, drapeau, mais qui ne passeront pas à la télévision.

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D
Pourquoi la Révolution bourgeoise de 1789 a-t-elle eu lieu ? Il me semble que l'élément essentiel de société qui à conduit à cette Révolution c'est l'accaparement de toutes les richesses par une petite minorité . Hors aujourd'hui sommes nous pas dans cette situation économique révolutionnaire ?
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C
Pour article
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T
Que d'utilité à enfin parler de la révolution comme d'un objectif accessible et que les communistes ont toujours en objectif.<br /> Depuis des décennies, on a pris l'habitude au PCF, de proposer des étapes préparatoires, "ouvrant la porte à", je date ce virage, il faut le regretter au Programme Commun de Gouvernement qui avait une formule que j'ai oubliée pour définir ce stade préparatoire. Pour s'allier aux socialistes! <br /> Et Marchais était un ouvrier, les évolutions décrites par Mischi n'avaient pas encore eu lieu, et nous étions 400.000 communistes, et 3 ans plus tôt, en 1968, la FGDS avait pris une branlée historique aux élections et Duclos avait "fait" 16% des voix.<br /> C'est dire combien après 45 ans d'erreur électoraliste "union-de-la-gauchiste", on a complètement "oublié la révolution" comme du l'écris si bien.<br /> Et que je te cite Jaurès et "l'évolution révolutionnaire" comme l'alpha et l'oméga de la stratégie, et que l'on s'allie au niveau Européen avec les autres "progressistes" en espérant réussir à cet échelon ce qu'on ne conçoit même plis à l'échelon national.<br /> Il est temps de se reprendre, et heureusement, on entrevoit une lueur d'espoir au MJCF, et chez certains anciens, dans les réseaux sociaux, qui en dépit de leur fidélité aux blablas de l'Huma, que je critique très souvent, ne m'ont pas encore exclu de leurs amis et acceptent voire recherchent le débat.<br /> Des ouvriers, très souvent.
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G
<br /> La révolution qu'il ne s'agit pas d'oublier n'est pas une image de désordres urbains que l'on peut construire avec quelques pneus incendié, mais un renversement réel des autorités par les masses,<br /> et la création non d'un nouveau gouvernement mais d'un nouveau type d'État, et où la violence intervient en général à l'intiative de ceux qui veulent stopper le processus. Un désordre organisé<br /> systématiquement pour déstabiliser l'État mais sans le remplacer n'est qu'une manipulation au service d'une clique.<br />
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G
<br /> Le nazisme, et encore moins le fascisme n'exige pas des individus de la bourgeoisie qu'ils changent de vie, et le discours d'accompagnement destiné à les positiver ressemble beaucoup à la soupe<br /> irrationnelle qui s'est développée trente ans plus tard en Californie, le "New Age". Tandis que le communisme obligeait les esthètes et les théosophes et les poètes "akméistes" de Saint<br /> pétersbourg, par exemple  .. à partager leur appartement avec des ouvriers !!! un vrai viol social.<br />
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