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Réveil Communiste

Karl Marx juge Proudhon, comment ça nous permet de comprendre la blogosphère fasciste...

6 Juin 2012 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Qu'est-ce que la "gauche"

par  Danielle Bleitrach repris sur lepcf.fr

 

Ces derniers jours j’ai beaucoup réfléchi au cas Balme (maire de Grigny dans le Rhône, au départ élu PCF puis devenu PG par la suite après avoir soutenu Bové en 2007) et à l’opération Mélenchon sur le PCF. Cela part de loin et dans le fond l’opération Mélenchon, c’est l’opération Bové réussie avec pratiquement les mêmes.

Ce qui m’a également paru intéressant c’est l’analyse de cette blogosphère dont Oulala.net n’est qu’un cas parmi d’autres. Il faudrait relier cela et peut-être le ferai-je un jour, à la contre-offensive ou plutôt la contre révolution du capital, la manière dont elle a détruit en profondeur le mouvement ouvrier. Parce qu’il faut bien voir ce qu’est l’opération Bové-Mélenchon qui s’appuie sur une nébuleuse de sites et de courants de pensées profondément réactionnaires, anticroissance, antiprogrès, anti-impérialisme sans dimension de classe avec un goût pour les peuplades porteuses de "sagesse" et d’un nouveau rapport à la terre, et c’est là que se fait le lien aussi avec une forme de fascisme. Cet aspect réactionnaire combine une admiration pour l’autorité y compris militaire, doublé d’anarchisme et également de misogynie, et d’antisémitisme.

Tout cela m’a rappelé le cas de Proudhon, la manière dont Proudhon est profondément réactionnaire parce qu’il exprime des catégories artisanales en concurrence avec la grande industrie. Il est profondément misogyne et ce n’est pas un hasard. Marx a très bien décrit l’abomination qu’a été l’entrée des femmes dans la grande fabrique, la déqualification des métiers et leur vie abominable… Proudhon ne voit qu’un remède le retour à l’ordre ancien pour les femmes comme pour tout. Il est d’un antisémitisme à faire frémir parce que cet esprit ne comprend rien à la dialectique que Marx tente de lui enseigner, il n’a que des visions d’opposition binaire et a de ce fait une tendance à réduire les phénomènes complexes à des déterminations simples et le complot juif est idéal pour réduire les rapports de production et de pouvoir à des manipulations occultes.

Je me suis dit en matière de boutade que la manière dont cette blogosphère si réactionnaire qu’on n’arrive plus à y distinguer un anti-impérialiste d’un fasciste, avec le cas risible et grotesque de Balme, avait dans le fond, beaucoup à voir avec le caractère réactionnaire de couches sociales en perte de vitesse, de doctorants déqualifiés, à l’ère de la mondialisation qui s’était attaquée aux appareils de la classe ouvrière en crise avec le Proudhonisme… voire avec le pétainisme qui eut quelques sympathies pour Proudhon.

Peut-être un jour pousserai-je cette réflexion plus avant mais pour le moment contentons-nous de relire l’opinion de Marx sur Proudhon, ça peut toujours servir.

Danielle Bleitrach

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Lettre à J.-B. Schweitzer

Londres, le 24 janvier 1865.

Monsieur,

(…) J’ai reçu hier la lettre dans laquelle vous me demandez un jugement détaillé sur Proudhon. Le temps me manque pour répondre à votre désir. Et puis je n’ai sous la main aucun de ses écrits. Cependant pour vous montrer ma bonne volonté, je vous envoie, à la hâte, ces quelques notes. Vous pourrez les compléter, ajouter ou retrancher, bref en faire ce que bon vous semblera.

Je ne me souviens plus des premiers essais de Proudhon. Son travail d’écolier sur la Langue universelle témoigne du sans-gêne avec lequel il s’attaquait à des problèmes pour la solution desquels les connaissances les plus élémentaires lui faisaient défaut.

Sa première œuvre : "Qu’est-ce que la propriété ?" est sans conteste la meilleure. Elle fait époque, si ce n’est par la nouveauté du contenu, du moins par la manière neuve et hardie de dire des choses connues. Les socialistes français, dont il connaissait les écrits, avaient naturellement non seulement critiqué de divers points de vue la propriété [96], mais encore l’avaient utopiquement supprimée. Dans son livre, Proudhon est à Saint-Simon et à Fourier à peu près ce que Feuerbach est à Hegel. Comparé à Hegel, Feuerbach est bien pauvre. Pourtant, après Hegel il fit époque, parce qu’il mettait l’accent sur des points désagréables pour la conscience chrétienne et importants pour le progrès de la critique philosophique, mais laissés par Hegel dans un clair-obscur [97] mystique.

Le style de cet écrit de Proudhon est encore, si je puis dire, fortement musclé, et c’est le style qui, à mon avis, en fait le grand mérite. On voit que, lors même qu’il se borne à reproduire de l’ancien, Proudhon découvre que ce qu’il dit est neuf pour lui et qu’il le sert pour tel.

L’audace provocante avec laquelle il porte la main sur le "sanctuaire" économique, les paradoxes spirituels avec lesquels il se moque du plat sens commun bourgeois, sa critique corrosive, son amère ironie, avec çà et là un sentiment de révolte profond et vrai contre les infamies de l’ordre des choses établies, son sérieux révolutionnaire, voilà ce qui explique l’effet "électrique", l’effet de choc que produisit "Qu’est-ce que la propriété ?" dès sa parution. Dans une histoire rigoureusement scientifique de l’économie politique, cet écrit mériterait à peine une mention. Mais ces écrits à sensation jouent leur rôle dans les sciences tout aussi bien que dans la littérature. Prenez, par exemple, l’Essai sur la population de Malthus. La première édition est tout bonnement un pamphlet sensationnel [98] et, par-dessus le marché un plagiat d’un bout à l’autre. Et pourtant quel choc cette pasquinade du genre humain n’a-t-elle pas provoqué !

Si j’avais sous les yeux le livre de Proudhon, il me serait facile par quelques exemples de montrer sa première manière. Dans les chapitres que lui-même considérait les plus importants, il imite la méthode de Kant traitant des antinomies – Kant était à ce moment le seul philosophe allemand qu’il connût en traduction ; il donne l’impression que pour lui comme pour Kant, les antinomies ne se résolvent qu’ "au-delà" de l’entendement humain, c’est-à-dire que son entendement à lui est incapable de les résoudre.

Mais en dépit de ses allures d’iconoclaste, déjà dans "Qu’est ce que la propriété ?", on trouve cette contradiction que Proudhon, d’un côté, fait le procès à la société du point de vue et avec les yeux d’un petit paysan (plus tard d’un petit-bourgeois [99]) français, et de l’autre côté, lui applique l’étalon que lui ont transmis les socialistes.

D’ailleurs, le titre même du livre en indiquait l’insuffisance. La question était trop mal posée pour qu’on pût y répondre correctement. Les "rapports de propriété" antiques avaient été remplacés par la propriété féodale, celle-ci par la propriété bourgeoise. Ainsi l’histoire elle-même avait soumis à sa critique les rapports de propriété passés. Ce qu’il s’agissait pour Proudhon de traiter c’était la propriété bourgeoise actuelle. A la question de savoir ce qu’était cette propriété, on ne pouvait répondre que par une analyse critique de l’économie politique, embrassant l’ensemble de ces rapports de propriété, non pas dans leur expression juridique de rapports de volonté, mais dans la forme réelle, c’est-à-dire de rapports de production. Comme Proudhon intègre l’ensemble de ces rapports économiques à la notion juridique de la propriété, il ne pouvait aller au-delà de la réponse donnée par Brissot, dès avant 1789, dans un écrit du même genre, dans les mêmes termes : "La propriété c’est le vol" [100].

La conclusion que l’on en tire, dans le meilleur des cas, c’est que les notions juridiques du bourgeois sur le vol s’appliquent tout aussi bien à ses profits honnêtes. D’un autre côté, comme le vol, en tant que violation de la propriété, présuppose la propriété, Proudhon s’est embrouillé dans toutes sortes de divagations confuses sur la vraie propriété bourgeoise.

Pendant mon séjour à Paris, en 1844, j’entrais en relations personnelles avec Proudhon. Je rappelle cette circonstance parce que jusqu’à un certain point je suis responsable de sa "sophistication", mot qu’emploient les anglais pour désigner la falsification d’une marchandise. Dans de longues discussions, souvent prolongées toute la nuit, je l’infectais, à son grand préjudice, d’hégélianisme qu’il ne pouvait pas étudier à fond, ne sachant pas l’allemand. Ce que j’avais commencé, M. Karl Grün, après mon expulsion de France, le continua. Et encore ce professeur de philosophie allemande avait sur moi cet avantage de ne rien entendre à ce qu’il enseignait.

Peu de temps avant la publication de son second ouvrage important : "Philosophie de la misère, etc.", Proudhon me l’annonça dans une lettre très détaillée, où entre autres choses se trouvent ces paroles – "J’attends votre férule critique" [101]. Mais bientôt celle-ci tomba sur lui (dans ma "Misère de la philosophie, etc.", Paris, 1847), d’une façon qui brisa à tout jamais notre amitié.

De ce qui précède, vous pouvez voir que sa "Philosophie de la misère ou système des contradictions économiques" devait, enfin, donner la réponse à la question : Qu’est-ce que la propriété ? En effet, Proudhon n’avait commencé ses études économiques qu’après la publication de ce premier livre ; il avait découvert que, pour résoudre la question posée par lui, il fallait répondre non par des invectives, mais par une analyse de l’économie politique moderne. En même temps, il essaya d’exposer le système des catégories économiques au moyen de la dialectique. La contradiction hégélienne devait remplacer l’insoluble antinomie de Kant, comme moyen de développement.

Pour la critique de ses deux gros volumes, je dois vous renvoyer à ma réplique. J’ai montré, entre autres, comme il a peu pénétré les secrets de la dialectique scientifique, combien, d’autre part, il partage les illusions de la philosophie "spéculative" : au lieu de considérer les catégories économiques comme des expressions théoriques de rapports de production historiques correspondant à un degré déterminé du développement de la production matérielle, son imagination les transforme en idées éternelles, préexistantes à toute réalité, et de cette manière, par un détour, il se retrouve à son point de départ, le point de vue de l’économie bourgeoise [102].

Puis je montre combien défectueuse et rudimentaire est sa connaissance de l’économie politique, dont il entreprenait cependant la critique, et comment avec les utopistes il se met à la recherche d’une prétendue "science", d’où on ferait surgir une formule toute prête et a priori pour la "solution de la question sociale", au lieu de puiser la science dans la connaissance critique du mouvement historique, mouvement qui lui-même produit les conditions matérielles de l’émancipation. Ce que je démontre surtout, c’est que Proudhon n’a que des idées imparfaites, confuses et fausses sur la base de toute économie politique, la valeur d’échange, circonstance qui l’amène à voir les fondements d’une nouvelle science dans une interprétation utopique de la théorie de la valeur de Ricardo. Enfin, je résume mon jugement sur son point de vue général en ces mots :

Chaque rapport économique a un bon et un mauvais côté : c’est le seul point dans lequel M. Proudhon ne se dément pas. Le bon côté, il le voit exposé par les économistes ; le mauvais côté, il le voit dénoncé par les socialistes. Il emprunte aux économistes la nécessité des rapports éternels, il emprunte aux socialistes l’illusion de ne voir dans la misère que la misère (au lieu d’y voir le côté révolutionnaire, subversif, qui renversera la société ancienne). Il est d’accord avec les uns et les autres en voulant s’en référer à l’autorité de la science. La science, pour lui, se réduit aux minces proportions d’une formule scientifique ; il est l’homme à la recherche des formules. C’est ainsi que M. Proudhon se flatte d’avoir donné la critique et de l’économie politique et du communisme : il est au-dessous de l’une et de l’autre. Au-dessous des économistes, puisque comme philosophe, qui a sous la main une formule magique, il a cru pouvoir se dispenser d’entrer dans des détails purement économiques ; au-dessous des socialistes, puisqu’il n’a ni assez de courage, ni assez de lumières pour s’élever, ne serait-ce que spéculativement au-dessus de l’horizon bourgeois.

… Il veut planer en homme de science au-dessus des bourgeois, et des prolétaires ; il n’est que le petit bourgeois, ballotté constamment entre le Capital et le Travail, entre l’économie politique et le communisme.

Quelque dur que paraisse ce jugement, je suis obligé de le maintenir encore aujourd’hui, mot pour mot. Mais il importe de ne pas oublier qu’au moment où je déclarai et prouvai théoriquement que le livre de Proudhon n’était que le code du socialisme des petits-bourgeois [103], ce même Proudhon fut anathématisé comme ultra et archi-révolutionnaire à la fois par des économistes et des socialistes. C’est pourquoi plus tard je n’ai jamais mêlé ma voix a ceux qui jetaient les hauts cris sur sa "trahison" de la révolution. Ce n’était pas sa faute si, mal compris à l’origine par d’autres comme par lui-même, il n’a pas répondu à des espérances que rien ne justifiait.

"Philosophie de la misère", mise en regard de "Qu’est-ce que la propriété ?" fait ressortir très défavorablement tous les défauts de la manière d’exposer de Proudhon. Le style est souvent ce que les Français appellent ampoulé [104]. Un galimatias prétentieux et spéculatif, qui se donne pour de la philosophie allemande, se rencontre partout où la perspicacité gauloise fait défaut. Ce qu’il vous corne aux oreilles, sur un ton de saltimbanque et de fanfaron suffisant, c’est un ennuyeux radotage sur la "science" dont il fait par ailleurs illégitimement étalage. A la place de la chaleur vraie et naturelle qui éclaire son premier livre, ici en maint endroit Proudhon déclame systématiquement, et s’échauffe à froid. Ajoutez à cela le gauche et désagréable pédantisme de l’autodidacte qui fait l’érudit, de l’ex-ouvrier qui a perdu sa fierté de se savoir penseur indépendant et original, et qui maintenant, en parvenu de la science, croit devoir se pavaner et se vanter de ce qu’il n’est pas et de ce qu’il n’a pas. Puis il y a ses sentiments de petit-bourgeois qui le poussent à attaquer d’une manière inconvenante et brutale, mais qui n’est ni pénétrante, ni profonde, ni même juste, un homme tel que Cabet, respectable à cause de son attitude pratique envers le prolétariat français, tandis qu’il fait l’aimable avec un Dunoyer (conseiller d’État, il est vrai), qui n’a d’autre importance que d’avoir prêché avec un sérieux comique, tout au long de trois gros volumes insupportablement ennuyeux, un rigorisme ainsi caractérisé par Helvétius : "On veut que les malheureux soient satisfaits" [105].

De fait, la révolution de février survint fort mal à propos pour Proudhon qui, tout juste quelques semaines auparavant, venait de prouver de façon irréfutable que l’ "ère des révolutions" était passée à jamais. Cependant son attitude à l’Assemblée nationale ne mérite que des éloges, bien qu’elle prouve son peu d’intelligence de la situation. Après l’insurrection de juin, cette attitude était un acte de grand courage. Elle eut de plus cette conséquence heureuse que M. Thiers, dans sa réponse aux propositions de Proudhon, publiée par la suite en brochure, dévoila à toute l’Europe sur quel piédestal, au niveau des enfants qui fréquentent le catéchisme, se dressait ce pilier intellectuel de la bourgeoisie française. Opposé à Thiers, Proudhon prit en effet les proportions d’un colosse antédiluvien. Les derniers "exploits" économiques de Proudhon furent sa découverte du "Crédit gratuit" et de la "Banque du peuple" qui devait le réaliser. Dans mon ouvrage "Zür Kritik der politischen Oekonomie" (Contribution à la critique de l’économie politique) Berlin 1859 (pp. 59-64) [106], on trouve la preuve que la base théorique de ces idées proudhoniennes résulte d’une complète ignorance des premiers éléments de l’économie politique bourgeoise : le rapport entre la marchandise et l’argent ; tandis que leur superstructure pratique n’était que la reproduction de projets bien antérieurs et bien mieux élaborés.

Il n’est pas douteux, il est même tout à fait évident que le système de crédit qui a servi par exemple en Angleterre, au commencement du XVIIIème et plus récemment du XIXème siècle, à transférer les richesses d’une classe à une autre, pourrait servir aussi, dans certaines conditions politiques et économiques, à accélérer l’émancipation de la classe ouvrière. Mais considérer le capital portant intérêts comme la forme principale du capital, mais vouloir faire une application particulière du crédit, de l’abolition prétendue de l’intérêt, la base de la transformation sociale – voilà une fantaisie tout ce qu’il y a de plus philistin. Aussi la trouve-t-on déjà élucubrée con amore chez les porte-paroles économiques de la petite bourgeoisie anglaise du XVIIème siècle. La polémique de Proudhon contre Bastiat au sujet du capital portant intérêts (1850) est de beaucoup au-dessous de "Philosophie de la misère". Il réussit à se faire battre même par Bastiat et pousse de hauts cris, d’une manière burlesque, toutes les fois que son adversaire lui porte un coup.

Il y a quelques années, Proudhon écrivit une dissertation sur les impôts, sur un sujet mis au concours, à ce que je crois, par le gouvernement du canton de Vaud. Ici s’évanouit la dernière lueur de génie : il ne reste que le petit-bourgeois tout pur [107].

Les écrits politiques et philosophiques de Proudhon ont tous le même caractère double et contradictoire que nous avons trouvé dans ses travaux économiques. De plus, ils n’ont qu’une importance locale limitée à la France. Toutefois, ses attaques contre la religion et l’Église avaient un grand mérite en France à une époque où les socialistes français se targuaient de leurs sentiments religieux comme d’une supériorité sur le voltairianisme du XVIIIème siècle et sur l’athéisme allemand du XIXème siècle. Si Pierre le Grand abattit la barbarie russe par la barbarie, Proudhon fit de son mieux pour terrasser la phrase française par la phrase.

Ce que l’on ne peut plus considérer comme de mauvais écrits seulement, mais tout bonnement comme des vilénies – correspondant toutefois parfaitement au point de vue petit-bourgeois – c’est le livre sur le coup d’État, où il coquette avec L. Bonaparte, s’efforçant en réalité de le rendre acceptable aux ouvriers français, et son dernier ouvrage contre la Pologne, où, en l’honneur du tsar, il fait montre d’un cynisme de crétin.

On a souvent comparé Proudhon à Jean-Jacques Rousseau. Rien ne saurait être plus faux. Il ressemble plutôt à Nicolas Linguet, dont la Théorie des lois civiles est d’ailleurs une œuvre de génie.

La nature de Proudhon le portait à la dialectique. Mais n’ayant jamais compris la dialectique vraiment scientifique, il ne parvint qu’au sophisme. En fait, c’était lié à son point de vue petit-bourgeois. Le petit-bourgeois, tout comme notre historien Raumer, se compose de "d’un côté" et de "de l’autre côté". Même tiraillement opposé dans ses intérêts matériels et par conséquent ses vues religieuses, scientifiques et artistiques, sa morale, enfin son être tout entier. Il est la contradiction faite homme.

S’il est, de plus, comme Proudhon, un homme d’esprit, il saura bientôt jongler avec ses propres contradictions et les élaborer selon les circonstances en paradoxes frappants, tapageurs, parfois scandaleux, parfois brillants. Charlatanisme scientifique et accommodements politiques sont inséparables d’un pareil point de vue. Il ne reste plus qu’un seul mobile, la vanité de l’individu, et, comme pour tous les vaniteux, il ne s’agit plus que de l’effet du moment, du succès du jour. De la sorte, s’éteint nécessairement le simple tact moral qui préserva un Rousseau, par exemple, de toute compromission, même apparente, avec les pouvoirs existants.

Peut-être la postérité dira, pour caractériser la toute récente phase de l’histoire française, que Louis Bonaparte en fut le Napoléon et Proudhon le Rousseau-Voltaire.

Vous m’avez confié le rôle de juge… Si peu de temps après la mort de l’homme : à vous maintenant d’en prendre la responsabilité.

Votre tout dévoué, Karl Marx.

Notes

[95] Extrait du Social-Demokrat, nos 16, 17 et 18. 1. 3 et 5 février 1865 (N.R.)

[96] En français dans le texte.

[97] En français dans le texte.

[98] Ces deux mots en anglais dans le texte, "sensational pamphlet".

[99] En français dans le texte.

[100] Brissot de Warville : Recherche sur le droit de propriété et sur le vol, etc., Berlin, 1782.

[101] En français dans le texte.

[102] "En disant que les rapports actuels, – les rapports de la production bourgeoise – sont naturels, les économistes font entendre que ce sont des rapports dans lesquels se crée la richesse et se développent les forces productives aux lois naturelles indépendantes de l’influence du temps. Ce sont des lois éternelles qui doivent toujours régir la société. Ainsi, il y a eu de l’histoire mais il n’y en a plus.", "Misère de la philosophie".

[103] En français dans le texte.

[104] En français dans le texte.

[105] En français dans le texte.

[106] K. Marx : "Contribution à la critique de l’économie politique", Éditions sociales, Paris 1957, pp. 39 à 49.

[107] En français dans le texte.


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J
<br /> Je partage la remarque émise dans le précédent commentaire concernant le rôle joué par Proudhon dans la<br /> pensée socialiste puis anarchiste. Les communards, dans leur majorité, étaient proudhoniens. Sans doute ont-ils été séduits par sa critique de l’Etat, par ses aspirations<br /> « mutualistes », par sa revendication du crédit gratuit, par sa critique apparemment virulente et caustique de la propriété. Mais ils (elles) n’étaient pas en mesure, pour la plupart,<br /> de vraiment comprendre le contenu très superficiel de ses écrits. En revanche, Marx, qui était déjà, bien qu’il fût profondément humain et sensible, « une machine à penser la société<br /> capitaliste», a jeté sur l’œuvre de cet homme un regard lucide. En relisant sa lettre à J.-B. Schweitzer, que Danièle Bleitrach a reprise après son propre texte, j’ai eu le sentiment que Marx<br /> avait éprouvé une certaine peine à être aussi sévère avec l’œuvre de Proudhon mais qu’il n’avait pu faire autrement. Le rappel introduit par DB permet donc de mesurer la rupture introduite par<br /> Marx et Engels il y a un siècle et demi dans toute analyse de la société. Ce qui renforce ma conviction de lier l’activité communiste révolutionnaire au marxisme (et non de l’en disjoindre comme<br /> c’est aujourd’hui le cas) quelles que soient les difficultés de cette liaison.<br /> <br /> <br /> Puisque DB se propose de reprendre sa réflexion sur Proudhon, je souhaite dire quelques mots du rapport de<br /> Proudhon à la monnaie, comme autre thème éventuel de sa propre investigation. Car après tout, la gratuité du crédit, que préconisait Proudhon, est un mot d’ordre susceptible aujourd’hui de<br /> satisfaire aussi bien les élus d’une commune endettée jusqu’au cou, qu’un certain nombre d’artisans ou de professions libérales en mal de trésorerie, que les salariés d’entreprises au bord de la<br /> faillite et à la recherche d’un financement salvateur. Les communistes seraient-ils aujourd’hui, en France, des « proudhoniens » qui s’ignorent? Par ailleurs, le mot d’ordre de la<br /> gratuité du crédit, compte tenu de la généralité sociale de son application éventuelle (artisans, ouvriers et autres salariés, communes) ne pourrait-il être un mot d’ordre de l’extrême-droite<br /> populiste ?<br /> <br /> <br /> Ce qui est clair est que « la question monétaire » est au cœur de la crise économique<br /> actuelle.<br /> <br /> <br /> D’une part, dans le capitalisme industriel, la monnaie est la forme ultime généralisée du Capital. Le travail<br /> approprié par les capitalistes doit prendre cette forme valeur « pure » qu’est la monnaie. Toutefois, à un moment donné, et pour diverses raisons qui sont à l’origine de la crise, les<br /> marchandises ne peuvent plus prendre cette forme. Tout se passe alors comme s’il n’y avait pas assez de monnaie. D’où le besoin d’injecter de la monnaie nouvelle dans l’économie pour résoudre la<br /> crise, ou, ce qui revient au mot d’ordre de Proudhon, d’instaurer le crédit gratuit.<br /> <br /> <br /> D’autre part, à notre époque, les marchés financiers, qui sont désormais des lieux absolument indispensables<br /> à la mondialisation du Capital, sont devenus des centres de profit « en soi ». En effet, ces lieux sont aujourd’hui des centres de formation, d’achat, de vente, de marchandises<br /> nouvelles, les marchandises financières. Ces dernières entrent en concurrence avec les marchandises traditionnelles, tout en occupant, par rapport à elles, une position dominante. Il s’en est<br /> suivi une répercussion totalement néfaste pour les salariés sur l’activité des lieux de production réels (biens et de services).<br /> <br /> <br /> Les marchandises financières dominent les marchandises réelles et les profits réalisés grâce aux marchandises<br /> financières engendrent une pression accrue sur la production des marchandises réelles, et donc sur les conditions de travail et de rémunération des ouvriers et autres salariés. Simultanément,<br /> l’endettement croissant des Etats engendre une marchandise financière (la dette publique) dont l’extension se répercute négativement sur les dépenses publiques à caractère social, comme on le<br /> voit aujourd’hui.<br /> <br /> <br /> On évite le reproche de « proudhonisme » si l’on se donne l’objectif de liquider le capitalisme<br /> monopoliste financier mondialisé. Frédéric Lordon avait employé dans l’Humanité une expression que je crois entièrement justifiée. Si ma mémoire est bonne, il avait écrit qu’il fallait<br /> « tuer la bête ». Je crois que nous, communistes, nous devons être clairs sur ce point, nous voulons tuer la bête. Ce qui supposerait, me semble-t-il, de bien distinguer dans notre<br /> argumentation, comme dans notre réflexion, l’objectif ultime (tuer la bête) et ses modalités temporelles (lui museler la gueule, lui lier les pattes, etc.).<br /> <br /> <br /> Simultanément, nous devons savoir sur quel territoire, avec quelles forces et selon quelles modalités nous<br /> devons et pouvons tuer la bête. La question de l’Europe est une grosse épine dans le pied des communistes eu égard à l’absence d’idées claires de Parti sur cet immense problème. Le Parti<br /> communiste ne peut pas se lancer dans cette grande lutte sans savoir ce que pensent ses membres. Je ne dis pas « ce que pensent Laurent et Buffet », mais ce que pensent la majorité des<br /> communistes. Avant de se lancer dans une consultation électorale du peuple (consultation qui n'aura pas lieu), il faudrait savoir ce que les communistes, en tant que collectif, en tant que force<br /> rassemblée, pensent et veulent. Ce qui supposerait, dans l’immédiat mais en prenant le temps qu’il faut, un vaste débat interne dont tout le monde profiterait. Voilà encore une grande différence<br /> avec le temps de Proudhon, et même avec le temps de Marx. Proudhon disait et écrivait d'autant plus de bêtises qu'il était seul, ou se pensait seul.<br /> <br /> <br /> Quand bien même nous serions dirigés, en France, par le plus génial des communistes, il resterait que la<br /> force communiste plus géniale encore que cet individu serait le Parti lui-m&e<br />
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G
<br /> bonjour<br /> <br /> <br /> sur le fond d'abord je trouve un peu rapide d'évacuer sans ménagement l'éritage anarchiste qui malgré un complexe d'oedipe persistant chez certain communiste compte énormément dans l'histoire du<br /> mouvement ouvier. Quoi qu'on en dise les communistes français sont profondément marqué par cet éritage le nier c'est un peu nous nier nous même. mais je suis d'accord les écrits de proudhon sont<br /> très criticables (leur auteur ne s'est manifestement pas autant détaché des idées de sont époque qu'il semble le penser) et il y manque la rigueur scientifique que pouvait avoir marx.<br /> <br /> <br /> enfin bref ce grand racourcis partant des écrits de marx critiquant proudhon pour finir sur un site internet ou aurait été posté quelques article douteux en rayant d'un traits infament toute une<br /> histoire politique qui n'a pâs grand chose a voir avec le fachisme... ce n'est surement pas ce qui va nous aider a ramener les brebis égaré dans un brouillard de fumée prohibée quelque part sur<br /> un plateau du larzac imaginaire ou toutes les idées se mélange a force de raccourci et d'amalgames et ou finnalement tout semble se valoir...<br /> <br /> <br /> et finnalement dans tout se brouillard la seule chose que l'on entend c'est le cris des loups.<br />
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M
<br /> Merci à Danielle pour la mise en parallèle des thèses de Proudhon et ce qui circule aujourd'hui de nauséabond sur le web.<br /> <br /> <br /> N'en déplaise à GQ, lutter contre le fascisme ne consiste pas à donner l'investitur du FDG au fondateur et animateur d'un site antisémite . Si nous ne lui donnons pas la publicité qu'il mérite<br /> d'autres le feront. Le FN qui déja s'amuse à diffuser des photos de JLM en Hitler va se régaler.<br /> <br /> <br /> Et nos amis maoistes dénoncent à juste titre ce qu'il faut dénoncer. http://voie-lactee.fr/rene-balme-un-candidat-antisemite-du-front-de-gauche   <br />
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G
<br /> Si on peut bien parler d'opération postcommuniste Bové Mélenchon du coté de l'appareil du PCF, à la recherche à fin de coups tordus depuis plusieurs années d'un homme providentiel en dehors de<br /> ses rangs, on ne peut pas assimiler les deux personnages. Bové était véritablement pire que tout. Mais beaucoup de bovétistes enragés et de chevaux de retour des affreux "collectifs antilibéraux"<br /> ont refait surface dans l'entourage du nouveau sauveur.<br /> <br /> <br /> Pour ce qui est de contrer le  fascisme, il vaudrait mieux Mélenchon batte Marine Le Pen, au point où en sont les choses, ce qui n'est pas gagné, et c'est pour cela que je ne crois pas qu'il<br /> fasse donner au cas Balme (qui ne sera pas élu de toute façon) la publicité qu'il mérite.<br />
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