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Réveil Communiste

Décès de l’historien Eric Hobsbawm : L’homme qui a réintroduit Marx dans les cours d’histoire

9 Octobre 2012 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #Front historique, #Royaume-Uni

sur le blog du PTB

L'historien marxiste britannique Eric Hobsbawm est décédé à Londres le 1er octobre 2012 à l’âge de 95 ans. L’histoire était pour lui, comme pour Marx, une manière de comprendre le monde afin de le changer. « Ne nous désarmons pas, même dans ces temps qui laissent à désirer, a-t-il déclaré. Il faut toujours dénoncer et combattre l’injustice sociale. Le monde ne guérira pas tout seul. »


Maria McGavigan

 

Le moins qu’on puisse dire est qu’Eric Hobsbawm a eu un destin peu ordinaire. Né en 1917 à Alexandrie d’un père britannique et d’une mère autrichienne, il a été élevé en Autriche. De 1931 à 1933, après la mort de ses parents, il a vécu à Berlin, où il est devenu communiste. Après l’arrivée au pouvoir d’Hitler, il est parti avec sa sœur, son oncle et sa tante en Angleterre. Grâce à une bourse, gagnée au concours d’entrée à l’Université de Cambridge, il est devenu indépendant et a pu rester en Angleterre lorsque son oncle et père adoptif est parti au Chili, à la mort de sa femme.

 

À Cambridge, le centre de la vie intellectuelle en Angleterre à l’époque, il a tout de suite rejoint le Parti communiste de Grande-Bretagne. Dans son autobiographie, il évoque de façon émouvante ses camarades et ce qu’était être communiste à l’époque. Pendant les vacances, les militants du parti allaient à Paris travailler pour le Rassemblement mondial des étudiants, une organisation liée à l’Internationale communiste, où sa connaissance des langues le rendait particulièrement utile.

Redéfinir l’histoire

Ses nombreuses études, souvent accessibles, ont largement influencé les marxistes du monde entier. Lui-même a écrit que le métier des historiens est de rappeler ce que les autres oublient, mais il ajoute tout de suite qu'il ne veut pas se limiter à décrire le cours des événements, que son but est de « comprendre et d'expliquer pourquoi les choses ont suivi ce cours et comment elles s'agencent ». Et, comme l'a déclaré José Gotovitch, professeur honoraire d'histoire à l’ULB dans Le Soir du 6 octobre 2012, le marxisme « confirmait la notion selon laquelle il y a une évolution, une marche dont le moteur est la lutte de classes, l’opposition entre dominants et dominés. Comme historien, cette vision du monde me permettait d’approcher de très près et de comprendre surtout l’évolution des faits et des sociétés au-delà des apparences et de la superficialité. »

 

En tant qu’historien marxiste, Eric Hobsbawm a été parmi ceux qui ont transformé la manière d’étudier l’histoire dans les années 1940-50. Jusque là, les historiens se cantonnaient à défendre l’ordre établi. Il a ainsi redéfini la crise de l’Europe au 17e siècle comme une confrontation entre féodalisme et capitalisme. Il a également appuyé statistiquement les thèses de Marx sur le début de l’industrialisation et ses conséquences néfastes pour les travailleurs, contrairement à ce que prétendait l’historiographie classique. Plusieurs de ses études ont également clarifié certaines thèses de Lénine sur le mouvement travailliste anglais, et il a produit de très accessibles histoires d’Angleterre, d’Europe et du monde, qui ont influencé la compréhension de l’histoire de plusieurs générations. Par ailleurs, il a étudié le nationalisme, et a clairement expliqué l’origine et les enjeux de celui-ci à partir du 19e siècle. Globalement, il a rendu à Marx la place qui lui était due dans les universités et l’enseignement de l’histoire.

 

Une contribution controversée

Le parcours et les convictions politiques d’Eric Hobsbawm lui ont régulièrement valu des ennuis. Marxiste et communiste, il n’a jamais hésité à critiquer ce qui lui semblait erroné, mais toujours dans une perspective constructive et au service du changement social.

 

Contrairement à d’autres communistes de sa génération, Eric Hobsbawm est resté membre du Parti communiste de Grande-Bretagne jusqu’à sa disparition en 1991, une fidélité qui lui a été beaucoup reprochée. Dans les années 1950, avec les importants changements qui ont eu lieu en Union soviétique, il a eu des différends avec la direction du parti, mais y est resté. Il refusait d’ailleurs de condamner unilatéralement l’Union soviétique, et insistait sur son rôle historique dans la défaite du fascisme durant la Seconde Guerre mondiale.

 

Si, comme historien, Hobsbawm a été capable de constater que le principal atout des bolcheviks en 1917 était « leur aptitude à reconnaître ce que voulaient les masses », lui-même est resté la plupart de sa vie, ce qu’il reconnaît lui-même, fermement ancré dans les sphères intellectuelles et académiques. Cependant ses travaux historiques ont inspiré et continueront à aider les militants qui veulent comprendre le monde pour le changer.

La censure

Malgré son talent indéniable, Hobsbawm a dû toute sa vie payer le prix de ses convictions politiques. Cela a commencé pendant la Seconde Guerre mondiale : son appartenance au Parti communiste et le fait que sa mère était autrichienne l'ont tenu à l'écart de toute contribution à la chute de Hitler, comme il le raconte dans son autobiographie. Pendant la guerre froide, l'Université de Cambridge a refusé toutes ses demandes de poste permanent. Quant au Birkbeck College de l'Université de Londres, où il est devenu maître de conférences en 1947 (donc avant la guerre froide), Hobsbawm a dû attendre 1970, et l'âge de 53 ans, avant d'y être nommé professeur.

 

L'épisode le plus incroyable, cependant, concerne le refus unanime des éditeurs français de publier son livre L’Age des extrêmes : le court 20e siècle 1914-1991, publié en 1994 et immédiatement traduit dans toutes les langues européennes... sauf le français. C’était l’époque où les historiens François Furet et Stéphane Courtois régnaient en maîtres sur l’histoire du 20e siècle en France. Il était inimaginable que l’on mette en cause la doctrine officielle du « choc des totalitarismes ». Or, tout en étant très critique à propos de Staline, Hobsbawm place le communisme au centre de son histoire du 20e siècle et le conflit gauche-droite comme élément déterminant.

 

Il écrivait ainsi : « La meilleure façon de comprendre la politique internationale du Court Vingtième Siècle à partir de la Révolution d’octobre [1917] est d’y voir l’affrontement entre les forces de l’ordre ancien et celles de la révolution sociale, alliées ou dépendantes de la bonne fortune de l’Union soviétique et du communisme international qui en était, selon elles, l’incarnation. »

 

 

Un peu de lecture

La bibliographie de Eric Hobsbawm est pour le moins consistante. Il a lui-même déclaré, lors d’une interview à la BBC, qu’il voulait qu’on se souvienne de lui comme « un homme qui, non seulement, a continué à brandir le drapeau, mais qui a montré qu’en le brandissant, on peut arriver à faire quelque chose, au moins quelques bons livres lisibles ». L’historien Niall Ferguson, partisan du candidat conservateur aux élections présidentielles américaines Mitt Romney, a déclaré lui-même que Hobsbawm était un des grands historiens de sa génération et que ses quatre livres commençant par L’Ère des révolutions : 1789-1848 et terminant par L’Âge des extrêmes : le court XXe siècle 1914-1991 constituaient « le meilleur point de départ que je connaisse pour quelqu’un qui veut commencer à étudier l’histoire contemporaine ». Si même des intellectuels de droite le disent… Voici quelques ouvrages d’Eric Hobsbawm que nous vous conseillons particulièrement :

L’ère des révolutions : 1789,1848, 2011, Pluriel, 10,20 €.

L’ère du capital : 1848-1875, 2011, Pluriel, 11,20 € (pour l’instant indisponible).

L’ère des empires : 1875-1914, 2002, Hachette, 10,20 € (pour l’instant indisponible).

L’âge des extrêmes : le court XXe siècle 1914-1991, 2008, André Versaille éditeur et Le Monde diplomatique, 23,30 €. Cette série de livres retrace l’histoire des deux derniers siècles et constitue une introduction claire et très fouillée à la compréhension du monde moderne.

Nations et nationalismes depuis 1780 : programmes, mythes et réalité, 2001, Gallimard, 9,10 €. Dans cet ouvrage, Hobsbawm retrace l’histoire et la dynamique des nationalismes. Il y aborde notamment le nationalisme flamand.

Rébellions. La résistance des gens ordinaires : jazz, paysans et prolétaires, 2010, Aden, 30,50 €. Cette série d’articles publiés entre 1959 et 1994 présente des parcours individuels et collectifs représentatifs de la classe opprimée comme facteurs de la transformation sociale.

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M
<br /> Oui il se trouve que les editeurs "Français" ont refusé de publier le court 20em siecle d'obswabm ce qui est une honte absolue au pays des lumieres!honte à eux!<br />
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